La numérisation 3D permet de “scanner” un ouvrage ou un site existant. Le terme de “scan” fait, à juste titre, référence aux scanners de documents que nous connaissons tous : un outil capable de créer un fichier informatique conforme à un objet physique existant.
Il en résulte un nuage de points ou un mesh qui restera à tout jamais la copie numérique conforme de l’objet scanné. Cet objet ensuite supprimé, modifié, déplacé ou dégradé, sa copie numérique restera intacte. Et c’est pendant cette phrase que naissent des applications infinies pour le monde de la construction et de l’aménagement des territoires au sens large.
[qodef_blockquote text= »La numérisation 3D permet de remonter le temps. » title_tag= »p » width= » »]Un modèle 3D est défini, comme son nom l’indique par 3 dimensions : hauteur, largeur et profondeur. Or, le temps est également une dimension. En attribuant une date à un nuage de point 3D, vous ajoutez une dimension supplémentaire au modèle. On parle alors de “modèle 4D”.
Loin d’être un concept farfelu, la notion de 4D trouve tout son sens dans des applications concrètes dans la construction.
Tel Que Construit ou D.O.E. ?
N’oublions pas que chaque constructeur doit délivrer un D.O.E. (Dossier des Ouvrages Exécutés) au Maître d’Ouvrage au terme de son intervention. Ce dossier a pour objectif de faciliter les études et de fiabiliser les travaux modificatifs qui auront lieu au cours de la vie d’un ouvrage : rénovation, restructuration ou même démolition.
Or, n’importe quel conducteur de travaux ou chef de chantier sincère avouera ne jamais avoir pris la peine de relever les ouvrages en cours de construction, sur l’ensemble d’un projet, afin de garantir l’exactitude des informations contenues dans le D.O.E.
Les Maîtres d’Ouvrage ont bien compris que les D.O.E. sont généralement, au choix :
- Faux,
- Incomplets,
- Obsolètes,
- Inexistants car jamais délivrés par l’entreprise,
- Perdus dans les limbes d’un local d’archivage.
L’idée que le “Tel Que Construit (TQC)”, parfois nommé “Tel que Réalisé (TQR)” puisse représenter une réalité différente de celle indiquée dans les D.O.E. est absolument aberrante quand on y pense.
Malheureusement, elle reste encore acceptée par beaucoup de constructeurs, qui utilisent cette double terminologie pour fuir leurs responsabilités et occulter le fait qu’ils ne répondent pas aux intérêts des Maître d’Ouvrages.
Numérisation 4D et D.O.E. Numérique BIM
Numériser un ouvrage existant offre un premier niveau de réponse très pertinent. Il n’est plus utile d’utiliser un mètre ruban pendant des journées entières pour réaliser un plan qui sera, au final, tout sauf juste. Un scanner laser 3D permet d’obtenir un modèle exact de la réalité.
Mais cette réalité est celle de l’ouvrage terminé. Qu’en est-il des parties invisibles ? Comment savoir où sont :
- les gaines passant dans les murs,
- les rails de Placo dans les cloisons,
- les tuyaux PVC passant sous le dallage ?
Mener plusieurs campagnes de relevés laser 3D au cours de la construction d’un bâtiment permet de conserver un double numérique de l’ouvrage à chacune des étapes clés, comme par exemple :
- à la fin du gros-oeuvre,
- après la mise en place du doublage thermique,
- après l’intervention de l’électricien,
- après l’intervention du lot fluides,
- au terme de la construction.
Posséder un nuage de points 3D de chacune de ces étapes permet de visualiser, a posteriori, des ouvrages ou équipements masqués par d’autres. Il devient alors possible, sans réaliser de sondages destructeurs, de retrouver des ouvrages à leurs emplacements exacts.
[qodef_blockquote text= »Documenter les ouvrages Tels Que Construits, au moment où ils sont construits, est à vrai dire le seul moyen de parvenir à l’objectif tant affirmé d’obtenir des “D.O.E. numériques” ou des “D.O.E. BIM”. » title_tag= »p width= » »]De la maquette BIM au suivi de chantier 4D
Les Maîtres d’Ouvrages ne sont pas les seuls à pouvoir bénéficier des avantages d’une numérisation 4D. Les entreprises de construction elles-mêmes peuvent y trouver un bénéfice direct : celui de pouvoir réaliser des suivis de chantiers sur la base de données réelles d’avancement de leurs travaux, basées sur une capture 3D de la réalité.
Un nuage de point 3D permet en effet de mener des comparaisons avec la maquette numérique BIM.
Le principe est simple à comprendre :
- La maquette numérique BIM représente le bâtiment tel qu’il devrait être au terme de la construction.
- Le planning prévisionnel de chantier représente l’organisation temporelle de la construction. Il fixe des objectifs sur l’utilisation des ressources financières, humaines et matérielles.
- La capture de la réalité par numérisation 3D convertit en données informatiques l’avancement réel des travaux : retards, avances, différences de construction.
La méthode de planification 4D est connue des lecteurs du livre “Préparer un Chantier de Bâtiment”. Il s’agit de la combinaison des points n°1 et n°2.
Un planning 4D est donc une tâche de “pré-construction numérique” permettant de simuler informatiquement la construction d’un bâtiment pour vérifier la cohérence et la faisabilité d’un phasage, avant que la construction n’ait commencé.
Le suivi de chantier 4D consiste quant à lui en la comparaison des trois points.
- Dans un premier temps, le relevé 3D de la construction est comparé avec la maquette BIM.
- Le nuage de points relevé par scanners laser 3D ou par photogrammétrie est superposé avec la maquette BIM.
- Dès lors, la comparaison entre la réalité et le projet devient possible.
Comparer un nuage de points et une maquette BIM
Bien que ce travail puisse être réalisé par un humain, il reste plus économiquement rationnel que ce soit un ordinateur qui s’en charge. La détection automatisée et la quantification des ouvrages déjà réalisés ou restant à réaliser est un procédé d’ores et déjà opérationnel.
Des algorithmes de comparaison peuvent en effet aisément conclure que :
- En présence d’un ensemble cohérent de points, dont la géométrie est proche et se superpose bien avec un objet 3D présent dans la maquette BIM, l’ouvrage correspondant peut être qualifié de “déjà construit”.
- En l’absence d’un ensemble cohérent de points, dont la géométrie serait proche et se superposerait bien avec un objet 3D présent dans la maquette BIM, l’ouvrage correspondant peut être qualifié de “pas encore construit”.
- En présence d’un ensemble cohérent de points, dont la géométrie est proche mais ne se superpose pas parfaitement avec un objet 3D présent dans la maquette BIM, l’ouvrage correspondant peut être qualifié de “partiellement construit” ou “construit mais non conforme”. Un jugement humain est alors nécessaire.
De nombreuses applications concrètes pour les constructeurs, Maîtres d’Oeuvre ou d’Ouvrages, OPC ou gestionnaires découlent de ces usages.
Vers une rationalisation de la production
Chaque organisation, quelle que soit sa spécialité, doit définir des “indicateurs clés” (KPI, Key Performance Indicator). Ceux-ci sont retenus en fonction de la haute corrélation entre leur évolution et celle d’un élément devant être mesuré.
Dans le commerce électronique par exemple, un KPI courant est le “taux de conversion”. Il correspond au ratio issu de la division du “nombre de clients” par le “nombre de visiteurs d’une page”. Une évolution à la baisse de ce ratio indique que les prospects sont de moins en moins convaincus par le produit et qu’une action doit en découler.
Des KPI, indicateurs clés, existent bien évidemment du côté de la production.
Sur un chantier, un exemple bien connu de KPI est le ratio issu de la division du total d’heures de main d’oeuvre par la quantité d’un ouvrage.
Plusieurs échelles d’application de ce ratio peuvent exister. En guise d’exemples, et de manière non exhaustive :
- A l’échelle d’un chantier : (heures totales de main d’oeuvre) / (quantité totale de béton) = valeur “ x heures / m3”
- A l’échelle d’un étage : (surface de coffrage consommée) / (surface totale de plancher de l’étage) = valeur “ x m² / m²”
Une infinité de ratios peut être conçue , seule l’expérience des entreprises permettant à terme de définir lesquels sont les plus pertinents. Quelque soit le KPI retenu, une vérité demeure :
[qodef_blockquote text= »Suivre un ratio de production nécessite de connaître la réalité produite et consommée. » title_tag= »p » width= » »]La numérisation 3D comme outil de prise de décision
Capturer la réalité par numérisation 3D ouvre ainsi la voie à des méthodes de relevé précises, efficaces et scalables. Les ouvrages tels qu’ils ont été réellement construits sont ainsi connus, vérifiables et quantifiables en temps quasi-réel.
Les conducteurs de travaux et chefs de chantier ont ainsi accès à des outils soulageant leur quotidien, les chefs d’entreprises peuvent superviser et décider à plus haute fréquence et les relations contractuelles entre entreprises et clients peuvent reposer sur des bases plus consensuelles.
Il n’y a donc rien d’étonnant à voir une diversité d’outils émerger sur le marché du suivi de chantier par numérisation 3D. Des solutions laser, drones et même des outils utilisant la grue de chantier comme outil de relevé 3D existent.
https://www.youtube.com/watch?v=wZazAIiljKw
La numérisation 3D comme outil d’anticipation
Vous percevez probablement désormais le potentiel de simples nuages de points 3D comme outils d’observation et de prise de décision, a posteriori de la survenue d’un événement :
- retard pris dans la construction,
- augmentation des écarts entre le “Tel Que Construit” et le “Tel que Conçu”, etc.
Bien que la numérisation 3D puisse être un outil permettant de suivre des KPI à plus haute fréquence, dans tous les cas, il est trop tard : l’événement s’est déjà produit. Dans de nombreux cas, pourtant, la numérisation 3D peut également être utilisée comme outil prédictif permettant l’anticipation d’événements survenus mais non désirés.
Ainsi, les entreprises en charge du suivi de l’évolution des ouvrages ou de sites auront un intérêt à employer, à une fréquence prédéterminée voir en temps réel, des méthodes de relevé telles que LiDAR ou la photogrammétrie pour détecter de manière précoce la survenue d’évènements indésirables.
Ce peut être par exemple l’accélération de la vitesse de progression d’un glissement de terrain :
Ou encore l’évolution de la déformation d’un ouvrage par comparaison entre relevés 3D :
Scan versus scan et monitoring 3D
Nous avons précédemment parlé des techniques de “Scan to BIM” et de “Scan versus BIM”, visant à comparer un nuage de points et une maquette numérique. Un autre type d’applications à haute valeur ajoutée pour l’ingénierie de la construction émane de la confrontation de nuages de points entre eux.
Cette activité dite de “scan to scan” désigne le fait de comparer des numérisations 3D pour mener des analyses techniques et en déduire, par exemple, la survenue d’évolutions sur l’objet numérisé au cours du temps. L’utilisation de la numérisation 3D comme méthode de monitoring des ouvrages ou sites existants permet ainsi de faire remonter des informations sensibles de terrain avant l’émergence de certains événements pouvant avoir des répercussion catastrophiques.
Ces quelques exemples ne constituent pas une liste exhaustive des possibilités offertes par l’ajout de la dimension temporelle à la capture 3D de la réalité.
Le plus complexe reste finalement d’arriver à prendre suffisamment de hauteur de vue pour envisager des applications encore inexistantes et, à estimer leur potentiel de création de valeur.